La guerre de Kisangani (2000), opposant l’Ouganda au Rwanda en RDC, laisse un héritage douloureux. En 2005, la Cour internationale de justice (CIJ) condamne l’Ouganda à verser 325 millions de dollars à la RDC pour violations des droits humains et pillage des ressources. Les versements, échelonnés sur cinq ans depuis 2022, doivent indemniser les victimes et réparer les dégâts matériels. Mais leur gestion, confiée au Fonds Frivao créé en 2023, suscite des critiques.

Le Frivao, placé sous le ministère de la Justice congolais, est accusé de lenteur et d’opacité. Sur 14 000 victimes identifiées à Kisangani, seules 3 163 ont été reconnues éligibles, avec des indemnités dérisoires (280 à 1 040 dollars). Une enquête a été ouverte en juillet 2024 pour des « écarts de chiffres », tandis qu’une commission révise les critères d’éligibilité. Des cas de détournement, comme celui de l’ex-ministre André Lite (500 000 dollars volés), illustrent les risques de corruption.

Chancard Bolukola directeur général a. I. Du FRIVAO

L’Ouganda, malgré des versements ponctuels (65 millions en 2022), entretient des relations tendues avec la RDC. Les accords militaires contre les ADF (2021) coexistent avec des suspicions de soutien ougandais au M23. Ces tensions diplomatiques affaiblissent la coopération sur les réparations, perçues comme secondaires face aux enjeux sécuritaires.

La société civile congolaise dénonce un processus excluant des victimes d’autres provinces pourtant citées par la CIJ. Des associations comme le Collectif des victimes réclament des indemnisations équitables, un mémorial et des poursuites contre les responsables. « On réduit notre souffrance à des chiffres », déplore Aline Engbe, survivante et porte-parole.

La CIJ, bien qu’ayant fixé un cadre juridique (réparations humaines, matérielles et environnementales), ne supervise pas l’utilisation des fonds. Cette absence de contrôle favorise des interprétations divergentes, entre compensations individuelles et projets collectifs, tout en laissant place à des détournements.

Au-delà des enjeux financiers, ce dossier souligne les limites des mécanismes de justice post-conflit dans des États fragiles. Les réparations, pour être efficaces, devraient intégrer mémoire collective, justice et reconstruction, sans se limiter à des transactions économiques. L’équilibre entre urgence humanitaire et réalpolitique reste à trouver.

Par la Rédaction

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