Un décor d’apparat, une mise en scène présidentielle
Quarante-cinq minutes de discours, un protocole savamment orchestré, une mise en scène qui flirte avec l’apparat présidentiel. Joseph Kabila n’a jamais quitté le costume qu’il a porté durant dix-huit ans, pas même dans l’évanescence silencieuse de son exil en Afrique australe. Son retour sur la scène publique, épuré de sa barbe pour ne laisser qu’une moustache grisonnante, semble être un calcul savamment pensé : une effigie proche de celle qui trônait dans les bureaux publics de son règne.
L’image est soigneusement polie. Le tournage minutieusement préparé. Chaque élément visuel renvoie à une stature d’homme d’État, un chef qui n’a jamais quitté le trône, ou plutôt, qui le convoite encore. L’endroit du filmage demeure inconnu, accentuant le mystère d’un personnage qui, tel Fantômas, s’efface des radars avant de réapparaître sous un autre visage.
La critique d’un héritage qu’il a lui-même façonné
Le discours, structuré pour toucher la corde sensible d’un peuple meurtri, oscille entre compassion et dénonciation. Kabila condamne la précarité économique, comme si l’économie congolaise qu’il a laissée était florissante. Il s’indigne de l’insécurité, alors que son règne a vu émerger une pléthore de groupes armés et a consacré le phénomène Kuluna. Il critique, en somme, son propre héritage.
Les actifs miniers vendus à vil prix, les milliards de royalties détournés, les sommes astronomiques retirées directement de la Banque Centrale du Congo sans trace. Que dire des massacres ? Bundu Dia Kongo, Mukungubila, Kamwina Nsapu, ces visages innocents fauchés sous l’autel de la répression. Ces enseignants réduits à la mendicité, ces militaires rémunérés comme des miséreux, ces infrastructures en ruine, ces provinces déconnectées du pays. Ce qu’il décrit n’est autre que le Congo qu’il a façonné, un pays marqué par une gouvernance où le sang était monnaie courante.
Mais aujourd’hui, Joseph Kabila veut donner des leçons.
Un coup d’État du leadership de l’opposition ?
Plus qu’un simple discours, Kabila semble vouloir assumer un rôle inédit : celui du chef d’une opposition affaiblie, incapable d’unir ses forces. Ceux qui l’ont vilipendé pendant une décennie doivent aujourd’hui cohabiter avec lui. Le suivront-ils ? Ou refuseront-ils qu’il prenne la lumière, éclipsant la lutte de Fayulu et Katumbi ?
Mais au-delà de la joute politique, il y a une ambiguïté troublante. Le discours retransmis sur des chaînes rwandaises laisse transparaître un narratif qui épouse les intérêts de Kigali. Il refuse la présence internationale, il omet de désigner l’agresseur, il prône un compromis africain qui, historiquement, a toujours fragilisé la RDC. Il ne condamne pas le M23, bien au contraire, il laisse entendre que ce groupe pourrait être un instrument de justice. La subversion est subtile mais bien présente, et les messages adressés aux officiers des FARDC résonnent avec une inquiétante clarté.
Vers une soudanisation du pays ?
Ce discours, au-delà des mots et de l’image, est une déclaration qui prépare une éventualité plus sombre : un coup d’État institutionnel, une fragmentation du pays, une balkanisation qui placerait Kabila à la tête d’une République Orientale sous le patronage de ses alliés. Le Rwanda et la France dans l’ombre, le M23 en bras armé. La turbulence est atteinte. L’œil du cyclone est bien là.
Si ce mandat du Président Tshisekedi est de loin le plus agité, c’est que le spectre d’un passé jamais révolu revient hanter la scène politique congolaise. Et cette fois-ci, ce n’est plus un souvenir : c’est une menace tangible.

Par Thierry Bwongo









