Kinshasa vient de franchir une nouvelle étape stratégique dans sa diplomatie en Afrique australe avec la nomination de John Nyakeru Kalunga comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire en Afrique du Sud. Ce diplomate chevronné, ancien représentant de la RDC au Kenya, s’est retrouvé au cœur des tensions diplomatiques entre Kinshasa et Nairobi, notamment dans l’affaire Corneille Nangaa et les relations difficiles entre les deux nations. Son rappel en décembre 2023 avait marqué un tournant, et son affectation à Pretoria s’inscrit dans une dynamique de consolidation des alliances essentielles à la stabilisation de la RDC.

Sa mission en Afrique du Sud couvre des enjeux majeurs qui nécessitent une approche diplomatique fine et engagée. La coopération militaire entre les deux pays est un axe fondamental, avec l’implication de l’Afrique du Sud dans la formation des forces congolaises et l’amélioration des systèmes de défense. Cette alliance est vitale dans le contexte sécuritaire préoccupant à l’Est du pays, où les groupes armés continuent de menacer la stabilité. Sur le plan économique, la RDC cherche à renforcer ses échanges bilatéraux avec Pretoria à travers des partenariats dans les secteurs miniers, les infrastructures et les transports. La diplomatie économique devient ainsi un levier essentiel pour la diversification des partenaires et la relance des investissements congolais.

Au-delà des aspects économiques et sécuritaires, l’importance politique de la mission de Nyakeru ne saurait être sous-estimée. L’Afrique du Sud est perçue comme un contrepoids aux ingérences extérieures qui alimentent l’instabilité régionale. La position de Pretoria contre le soutien aux groupes armés comme le M23 constitue un appui stratégique pour Kinshasa dans sa quête de souveraineté. En parallèle, l’ambassade joue un rôle central dans la gestion des crises diplomatiques et la négociation des différends régionaux. L’expérience de Nyakeru dans les cercles du pouvoir lui confère une capacité unique à mener des discussions sensibles et à servir d’intermédiaire entre Kinshasa et Pretoria.

Un autre volet crucial de cette représentation diplomatique réside dans la surveillance des mouvements politiques et la lutte contre toute tentative de déstabilisation en provenance du territoire sud-africain. L’exil de plusieurs figures congolaises, dont Joseph Kabila jusqu’en 2024, rend nécessaire un contrôle discret mais efficace sur les dynamiques géopolitiques internes. La nomination de Nyakeru reflète ainsi une approche pragmatique et stratégique du gouvernement congolais, visant à sécuriser ses intérêts tout en renforçant sa crédibilité institutionnelle sur la scène internationale.

La présence de John Nyakeru Kalunga à Pretoria ne se limite pas à une simple continuité diplomatique. Elle incarne une volonté de structurer une relation durable entre la RDC et l’Afrique du Sud, dans une période de profondes mutations politiques et sécuritaires. À travers cette nomination, Kinshasa affirme son ambition de renforcer son influence en Afrique australe et d’ancrer davantage sa politique étrangère dans une vision de stabilisation régionale. Son mandat pourrait bien redéfinir les rapports bilatéraux et ouvrir de nouvelles perspectives pour la diplomatie congolaise dans un monde en perpétuelle évolution.

Par Thierry Bwongo