Kinshasa, 30 juin 2025 — En ce 65e anniversaire de l’indépendance de la République Démocratique du Congo, le président Félix-Antoine Tshisekedi a livré un discours solennel d’un peu plus de vingt minutes. Prononcé dans un décor qui rappelait curieusement celui de son prédécesseur Joseph Kabila lors de sa dernière prise de parole à Goma— avec des drapeaux soigneusement disposés et une réalisation visiblement inspirée de l’esthétique passée —, le message a souffert sur le plan formel : images pâles, étalonnage approximatif, cadrage rigide accusant la présence d’un prompteur. Une mise en scène en demi-teinte, pour un message pourtant central dans le contexte politique actuel.

Car l’essentiel était ailleurs. Cette allocution du Chef de l’État s’inscrivait dans une séquence diplomatique marquée par les accords de Washington, signés récemment sous l’égide des États-Unis. Un tournant pour la politique régionale congolaise, que Tshisekedi a défendu avec fermeté, assumant pleinement la portée de cette nouvelle dynamique de paix. Ce cadre multilatéral, incluant Washington, Doha et plusieurs chefs d’État africains, vise à stabiliser la région des Grands Lacs et rétablir un dialogue entre Kinshasa et Kigali.

Le président a tenu à exprimer une gratitude appuyée envers les facilitateurs du processus. Il a salué « l’implication personnelle » de Donald Trump, président des États-Unis, pour sa médiation directe. Il a également remercié l’État du Qatar et en particulier le Sheikh Tamim ben Hamad Al Thani, dont l’initiative diplomatique « discrète et efficace » aurait permis, selon lui, de « rapprocher les positions » entre la RDC et le Rwanda. Des propos qui illustrent l’internationalisation croissante des efforts de pacification.

(Gauche à droite)Félix Tshisekedi président de la RDC, João Lourenço, président angolais, et Uhuru Kenyatta, ancien président kenyan.

Deux figures africaines ont aussi été mises à l’honneur : João Lourenço, président angolais, et Uhuru Kenyatta, ancien président kenyan. Tous deux ont, selon Tshisekedi, « porté la tragédie sécuritaire de la RDC à l’attention de la communauté internationale ». Cette reconnaissance s’inscrit dans la volonté de construire une solidarité africaine autour du défi commun de la paix.

Félix Tshisekedi et Uhuru Kenyatta, ancien président kenyan.

Le président a également renforcé l’ancrage mémoriel de son propos. En ce jour symbolique, il a honoré la mémoire des figures fondatrices du Congo indépendant — Joseph Kasavubu, Patrice Lumumba — mais aussi celle des combattants anonymes, tombés pour l’idéal d’un pays libre. Il a également rendu hommage au « courage exemplaire » des Forces Armées, des forces de police et des « résistants patriotes wazalendo », présentés comme les remparts vivants de la souveraineté nationale.

Le président Tshisekedi devant les FARDC

Sur le plan politique intérieur, Tshisekedi a surpris en évoquant sa récente rencontre avec l’opposant Martin Fayulu. Présentée comme une démarche républicaine, cette entrevue serait, selon lui, le symbole d’un « dépassement de soi », marqué par l’écoute mutuelle et la responsabilité partagée. Il y voit un signe d’unité possible au sein de la classe dirigeante, capable de se rassembler dans les moments critiques.

Rencontre entre Félix Tshisekedi et l’opposant Martin Fayulu

Mais c’est sans doute sa mise au point envers l’ancien président Joseph Kabila qui aura donné à ce discours sa tonalité la plus tranchée. Réagissant aux critiques émises par ce dernier au sujet des accords de Washington, Tshisekedi s’est montré incisif : « Lorsqu’un homme qui a dirigé ce pays pendant dix-huit ans ose parler de manipulation diplomatique, il faut avoir l’honnêteté de rappeler de quelle manipulation il s’agit réellement. » Il a rappelé les « marchés de dupes » de l’époque, évoquant notamment le contrat sino-congolais comme l’exemple d’une souveraineté bradée. À l’inverse, il a défendu l’accord de Washington comme « un engagement pour une paix durable, une stabilité régionale et un respect mutuel entre États », loin des « combines d’arrière-boutique » du passé.

L’ex Président de la RDC Joseph Kabila en consultation au Sud-Kivu

En conclusion, Félix Tshisekedi a dessiné les contours d’un Congo tourné vers l’avenir : un pays résolu à rompre avec l’opacité, à réhabiliter les vertus de la vérité et du dialogue, et à affronter ses défis avec maturité politique. Derrière les maladresses formelles du discours transparaît une volonté nette : faire du Congo un acteur central de la stabilité régionale, tout en refondant les fondations morales et politiques d’une gouvernance responsable.

Par Thierry Bwongo

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