En 2013, alors que le président Joseph Kabila est encore aux commandes de la République démocratique du Congo, le gouvernement annonce un ambitieux projet : la construction d’une nouvelle aérogare internationale à N’Djili. À l’heure où les grandes capitales africaines modernisent leurs infrastructures pour attirer les investisseurs et faciliter la mobilité, Kinshasa ne veut pas rester en marge.

Un contrat est signé entre la Régie des Voies Aériennes (RVA) et WIETEC, société chinoise. Le financement annoncé : 85 % par Exim Bank China, et 15 % à charge du gouvernement congolais, principalement prélevés sur la redevance Go Pass instaurée en 2009. La RVA se positionne comme maître d’ouvrage et promet des avancées concrètes.

Mercredi 02 Mai 2018, Joseph Kabila (ex-président de la RDC) pose la première pierre de ce qui devait être le futur aérogare de l’aéroport international de Ndjili modernisé

Mais rapidement, le projet s’essouffle. Exim Bank ne confirme jamais le décaissement des fonds. Entre doutes sur la transparence, défaut de garanties, et manque de vision, le contrat avec WIETEC reste lettre morte. Pourtant, 20 millions USD sont bel et bien débloqués par le gouvernement — sans que les travaux ne démarrent réellement.

En mai 2018, à quelques mois de la fin du second mandat de Kabila, le projet est relancé dans une cérémonie publique. La pose de la première pierre se fait dans un climat d’urgence politique. L’objectif : rassurer sur la volonté du gouvernement de moderniser les infrastructures. Mais sans financement confirmé, cette relance demeure symbolique.

Sous le mandat de Félix Tshisekedi, la gestion du projet passe à la société turque Milvest, dirigée par Turhan Mildon. L’approche change radicalement : on abandonne le modèle d’investissement classique pour adopter un BOT (Build-Operate-Transfer) sur 29 ans. Milvest promet une aérogare futuriste, des hôtels, des centres commerciaux et une capacité renforcée.

Le coût annoncé est vertigineux : 1,2 milliard USD. Mais derrière les promesses, les interrogations s’accumulent. La concession privée à long terme inquiète, le contrôle national semble dilué, et les garanties techniques font défaut. En 2025, le contrat est résilié dans la discrétion, sans explication officielle convaincante.

Le gouvernement choisit alors de confier le projet à l’entreprise américaine Infrarose, accompagnée de SOM (Skidmore, Owings & Merrill), célèbre cabinet d’architecture. Une nouvelle vision s’impose : aérogare de 48 000 m², capacité de 5 millions de passagers/an, balisage aéronautique, caserne anti-incendie et centre de maintenance.

Le budget ? 500 millions USD, soit plus de deux fois inférieur à celui du projet turc.

Depuis 2009, la redevance Go Pass a généré environ 362 millions USD, selon le rapport de la RVA transmis à l’Assemblée nationale. Pourtant, aucun aéroport n’a été livré, ni sérieusement réhabilité. Le député Claude Misare a dénoncé une escroquerie collective, et plusieurs élus pointent un manque de traçabilité dans la gestion des fonds.

La RVA, censée porter techniquement et financièrement le projet, n’a jamais fourni les garanties suffisantes pour convaincre Exim Bank. Les différents Directeurs Généraux n’ont pas rassuré, ni en termes de vision stratégique ni de transparence budgétaire. Une commission d’enquête parlementaire est actuellement en cours, soulignant l’importance de rétablir la redevabilité.

Vue depuis la piste d’atterrissage de l’aéroport international de Ndjili

Dans un monde en transformation, l’aéroport est bien plus qu’un terminal. C’est la première frontière symbolique, l’image d’un pays en devenir. Le professeur Jacques Ndjoli le résumait ainsi : « L’aéroport est le premier endroit qui montre l’amélioration du climat des affaires dans un pays qui veut changer. »

Aéroport international  Simon Mwansa Kapwepwe de Ndola / Zambie

Face à l’exemple de Ndola en Zambie, où un aéroport a été construit avec 400 millions USD en moins de quatre ans, la RDC ne peut plus se contenter d’attendre. La réussite du nouveau projet ne dépend pas uniquement des ingénieurs, mais bien de la volonté politique, de la transparence de la RVA, et d’une gouvernance alignée avec les aspirations du peuple congolais.

Par Thierry Bwongo

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