Kinshasa — L’Examen d’État, longtemps perçu comme une épreuve nationale autant qu’un casse-tête logistique, amorce enfin sa mutation. Sous l’impulsion du Ministère de l’Éducation Nationale et Nouvelle Citoyenneté (EDU-NC), la République démocratique du Congo adopte le système SNote Manager, une technologie de correction automatisée qui rompt avec des décennies de centralisation coûteuse et d’inertie institutionnelle.

Pendant des années, l’organisation de l’examen a exigé des moyens colossaux : milliers d’enseignants mobilisés, transport de copies depuis les provinces, centres improvisés et une enveloppe budgétaire aussi opaque que difficile à justifier. Le traitement manuel, lent et souvent sujet aux erreurs ou aux soupçons de favoritisme, faisait traîner les résultats jusqu’au cœur de l’année académique suivante — une aberration devenue norme.

Avec SNote Manager, la RDC renverse la logique. Les copies sont désormais traitées de manière anonyme, rapide et sans biais, dans un écosystème numérique supervisé par l’intelligence artificielle. Trois centres de correction sont opérationnels à Kinshasa, Lubumbashi et au Kasaï, réduisant les distances, accélérant les délais et renforçant la fiabilité. Cette décentralisation n’est pas un détail technique, mais une réponse politique aux fractures géographiques du pays.

Contrairement à des nations comme la France, la Belgique ou le Sénégal, qui demeurent attachées à la correction humaine malgré leurs moyens, la RDC se positionne en pionnière dans l’automatisation à l’échelle nationale. Le système congolais pourrait, dans les années à venir, inspirer des réformes dans tout l’espace francophone africain.

Mais moderniser ne signifie pas exclure. Le ministère entend revaloriser les compétences humaines en redéployant les agents historiquement mobilisés vers des fonctions d’audit, d’analyse pédagogique ou de gestion numérique. Une correction assistée par IA n’efface pas le rôle de l’intelligence humaine, elle le redéfinit.

La réforme ne s’arrête pas là. L’intégration des TIC dans l’éducation ne se limite plus aux intentions. Le ministère déploie un dispositif cohérent : inscription numérique aux examens, sécurisation des diplômes par blockchain, obtention de l’e-diplôme, et interopérabilité avec les systèmes éducatifs partenaires. Ces choix ne relèvent pas d’un luxe technologique, mais d’une exigence de transparence, d’efficacité et de souveraineté.

Dans un pays encore marqué par des défis éducatifs multiformes, SNote Manager est une promesse. Celle d’une évaluation plus juste, d’un système plus lisible, et d’une école qui ose regarder le futur en face. La RDC n’exporte pas encore ses modèles, mais elle les construit sur la base de ses réalités.

Par Thierry Bwongo

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