La comparution de l’expert de la Rawbank dans le procès de l’ancien ministre d’État à la Justice, Constant Mutamba, a jeté une lumière nouvelle sur les contours financiers de l’affaire, à un moment où le ministère public a formellement requis 10 ans de travaux forcés contre l’accusé, qu’il poursuit pour tentative de détournement de deniers publics.
Ce réquisitoire sévère intervient alors que plusieurs éléments du dossier semblent complexifier la lecture juridique des faits. Le témoignage de l’expert bancaire apporte en effet des données qui, selon la défense, pourraient plaider en faveur d’une gestion transparente du projet de construction de la prison de Kisangani.
Selon l’expert de la Rawbank, un compte courant au nom de Zion Construction l’entreprise chargée de l’exécution du marché a bel et bien été ouvert, et les fonds y logés provenaient du compte du ministère de la Justice. Ce transfert officiel pourrait attester d’un processus institutionnel normal, loin des circuits opaques souvent caractéristiques des détournements.
Il a aussi été précisé que seuls les mandataires légaux de Zion Construction pouvaient accéder aux fonds, et qu’actuellement, des mesures conservatoires bloquent toute transaction sur ce compte. Cette précision est essentielle : le compte n’est pas au nom de Mutamba, et son accès est désormais sous contrôle judiciaire.
Du côté de la défense, ce témoignage est perçu comme un appui de poids. Le projet était basé sur un contrat valide, la société exécutante est juridiquement reconnue, et un site a été confirmé par les autorités provinciales de la Tshopo. L’élément de la tentative de détournement paraît, dès lors, discutable si l’on s’en tient uniquement aux procédures administratives suivies.
Mais pour le ministère public, le fait que les fonds aient été logés sur un compte hors Trésor public laisse planer un doute sérieux sur l’intention réelle de leur usage. Selon lui, ce schéma financier pourrait avoir été conçu pour faciliter une tentative de prédation, même si les fonds n’ont pas encore été détournés au sens strict. D’où la qualification de « tentative », soutenue par l’organe de poursuite.
Au-delà du cas Mutamba, ce procès est un test pour la justice congolaise : peut-elle faire la part des choses entre gestion politique, erreurs de procédure et criminalisation potentielle de décisions administratives ? À ce stade, l’affaire oscille entre lecture technique des faits bancaires et interprétation intentionnelle des actes posés.
Alors que les plaidoiries finales sont attendues, l’issue de ce procès pourrait créer un précédent majeur dans la gestion des fonds publics, et dans la façon dont la justice évalue la frontière entre irrégularité administrative et infraction pénale.
Par la rédaction









