À Uvira, dans la province du Sud-Kivu, une crise politico-militaire s’intensifie depuis la nomination du Général Olivier Gasita Mukunda au poste de commandant adjoint chargé du renseignement militaire de la 33ᵉ région. Cette décision, jugée provocatrice par les communautés locales et les groupes d’autodéfense Wazalendo, a provoqué une série de manifestations et une paralysie partielle des activités dans la ville. Le climat est marqué par une méfiance croissante envers les autorités militaires, accusées de marginaliser les acteurs locaux de la résistance.

Le général controversé Olivier Gasita Mukunda

Le rejet du Général Gasita s’est cristallisé dans les territoires d’Uvira, Fizi et Mwenga, où il est accusé d’avoir contribué à la chute de Goma et Bukavu. Sa nomination est perçue comme une menace directe à la stabilité régionale, exacerbant les tensions entre les forces armées régulières (FARDC) et les Wazalendo, ces combattants issus du peuple qui se sont mobilisés pour défendre le territoire contre l’agression du M23 soutenu par le Rwanda. Le fossé entre les forces officielles et les groupes populaires semble s’élargir.

Dans une lettre adressée au Président Félix Tshisekedi, les Wazalendo dénoncent les propos du Général Sylvain Ekenge, porte-parole des FARDC, qui aurait minimisé leur rôle dans la résistance. Ils rappellent que leur engagement sur le terrain a permis de maintenir certaines lignes de front là où les unités régulières se sont repliées. Ils s’indignent de voir ceux qui ont versé leur sang pour la nation traités avec condescendance, tandis que ceux qui ont fui devant l’ennemi continuent à être promus. Cette déclaration traduit une profonde frustration et une exigence de reconnaissance institutionnelle.

Une délégation des Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP), connus sous le nom de Wazalendo à Lulenge, dans le territoire de Fizi, à l’est de la République démocratique du Congo (RDC) au mois de juillet dernier en mission de pacification.

Les Wazalendo exigent la désaffectation immédiate du Général Gasita, qu’ils considèrent comme un facteur de division et de méfiance. Ils appellent à une meilleure coordination entre les forces populaires et les FARDC, estimant que seule une collaboration sincère peut garantir la stabilité. Leur revendication ne se limite pas à un changement de commandement, mais s’inscrit dans une volonté de réformer les rapports entre l’État et les acteurs locaux de la sécurité.

Un rapport stratégique publié par le Parti des Patriotes pour la Libération du Congo (PPLC/GJAC) dresse un tableau alarmant de la situation à Uvira. Il évoque une insécurité généralisée, marquée par une évasion massive à la prison de Mulunge, la saturation des structures sanitaires et la désorganisation des services publics. La désobéissance civile s’exprime par des journées de « ville morte », des manifestations pacifiques et des blocages économiques. La fragmentation sociale s’aggrave, avec une méfiance intercommunautaire croissante et un risque réel de rupture du tissu social.

Entraînement des Wazalendo

Face à cette crise, le PPLC/GJAC et les acteurs sociaux locaux proposent plusieurs mesures urgentes. Ils recommandent le retrait du Général Gasita pour restaurer la confiance entre l’armée et les populations, la mise en place d’un cadre de concertation inclusif pour favoriser le dialogue, le renforcement de la sécurité civile pour protéger les infrastructures et les civils, l’envoi d’une mission d’observation indépendante pour documenter les violations, et un appui accru aux structures locales pour soutenir la médiation et la cohésion sociale. Ces propositions traduisent une volonté de sortir de l’impasse par des mécanismes participatifs et transparents.

La crise d’Uvira illustre les tensions persistantes entre les forces régulières et les groupes d’autodéfense dans un contexte de guerre hybride où les enjeux communautaires, sécuritaires et politiques s’entremêlent. Les appels à l’unité et à la reconnaissance des Wazalendo résonnent comme un avertissement : sans réponse institutionnelle adaptée, la crise pourrait s’étendre et compromettre les efforts de pacification dans l’Est du pays. Le refus de prendre en compte les dynamiques locales risque d’alimenter une instabilité durable.

Vue aérienne de la ville d’Uvira

La déclaration d’Orphée Yamonea Kamengele, acteur social, selon laquelle « Olivier Gasita doit dégager au nom de la paix », résume l’exaspération d’une partie de la population. La balle est désormais dans le camp des autorités nationales, appelées à agir avec discernement pour préserver l’intégrité territoriale et la dignité du peuple congolais. Le moment est critique, et les décisions à venir pourraient redéfinir les rapports entre l’État et les forces populaires dans la région.

Par Thierry Bwongo

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