Kinshasa, 13 septembre 2025 – Au lendemain de la vague de violences et de tensions qui a suivi le match RDC vs Sénégal, une voix scientifique s’élève pour alerter sur un mal bien plus profond que la défaite sur le terrain : la santé mentale des Congolais. Le professeur Daniel Okitundu, médecin-directeur du Centre Neuro-Psycho-Pathologique (CNPP), estime que ces réactions collectives traduisent un dérèglement psychique à l’échelle nationale.

Une société rongée par la destructivité ?
Dans une déclaration relayée ce week-end, le professeur Okitundu souligne que la colère incontrôlée, la haine, la peur et l’incapacité à gérer la frustration observées dans les rues de Kinshasa relèvent d’un phénomène clinique bien connu : la destructivité.
« C’est une pathologie sociale où la frontière entre le bien et le mal s’effondre. On détruit pour exister, on hait pour survivre, on perd confiance dans toute forme de construction », explique-t-il.
Selon lui, cette destructivité n’est pas un simple problème de comportement, mais le symptôme d’un traumatisme collectif, nourri par des décennies d’instabilité, de pauvreté, de conflits armés et d’absence de politiques sociales.Un plaidoyer pour une enquête nationale
Face à cette situation inquiétante, le CNPP plaide pour l’organisation urgente d’une enquête nationale sur la santé mentale en RDC, afin d’obtenir une cartographie précise des troubles psychosociaux qui affectent la population.
« Il est temps que la santé mentale soit intégrée aux priorités de la République. On ne peut pas bâtir un pays sur une société malade dans sa tête », avertit le Pr Okitundu.

Un signal d’alerte déjà visible : le bilan des consultations gratuites
En juillet dernier, le CNPP avait organisé une campagne nationale de consultations psychologiques gratuites. En l’espace de deux semaines, plus de 8 000 patients avaient été consultés, dont une majorité de jeunes adultes et d’adolescents souffrant d’anxiété, de troubles post-traumatiques, de dépression ou de troubles du comportement.
Ce bilan avait déjà permis d’alerter les autorités sur l’urgence de créer une politique nationale de santé mentale, dotée de moyens, de personnel formé et de centres décentralisés.

Vers une crise ignorée ?
Malgré ces signaux, la santé mentale reste un parent pauvre du système sanitaire congolais, alors que ses conséquences sont visibles : violence urbaine, déscolarisation, addictions, troubles familiaux, radicalisation.Le Pr Okitundu appelle donc les décideurs publics à prendre conscience que l’équilibre psychologique de la nation est un pilier de la stabilité politique et économique. « Ce n’est pas un luxe, c’est une urgence nationale », martèle-t-il.
Par Thierry Bwongo









