Kinshasa, 25 septembre 2025 — Dans les couloirs feutrés des institutions régionales, le projet hydroélectrique Ruzizi III est souvent présenté comme une promesse d’intégration, un symbole de coopération entre la République démocratique du Congo, le Rwanda et le Burundi. Avec ses 206 mégawatts annoncés, il incarne l’espoir d’un avenir énergétique partagé. Mais derrière les chiffres et les communiqués, une autre histoire se dessine, faite de silences, de incertitudes et de récits stratégiques.
Le projet repose sur une structure de partenariat public-privé, pilotée par Ruzizi III Energy Limited, société enregistrée au Rwanda. Cette entité regroupe des acteurs étatiques et privés, dont Industrial Promotion Services, bras industriel du Aga Khan Fund for Economic Development, et SN Power AS. Le montage financier, lui, s’appuie sur des institutions multilatérales telles que la Banque Africaine de Développement, l’Agence Française de Développement et la Banque Européenne d’Investissement. En juin dernier, une nouvelle pièce s’est ajoutée au puzzle : l’invitation faite à Anzana Electric Group, entreprise américaine, à rejoindre le capital du projet. Les négociations sont en cours, mais leur issue reste incertaine.

Ce qui l’est moins, c’est l’impact du contexte sécuritaire sur l’avancement du projet. La résurgence du M23 dans l’Est de la RDC a refroidi plusieurs bailleurs, entraînant des suspensions de financement, notamment du côté de la BEI. Le terrain, instable, rend les projections fragiles. Et dans cette fragilité, les rumeurs prospèrent.
Des consortiums turcs, chinois ou égyptiens sont évoqués comme prétendument présélectionnés. Orascom, Özaltin, Limak : autant de noms circulant sans confirmation officielle. Le site de REL ne les mentionne pas, aucun document public ne les valide. De même, la date du 15 septembre, avancée comme butoir pour les soumissions, ne figure dans aucun communiqué crédible. Elle semble avoir été brandie plus comme un repère narratif que comme une échéance réelle.
Plus troublant encore, certaines voix associent Ruzizi III à des mesures de confiance diplomatiques entre la RDC et le Rwanda, soutenues par les États-Unis. Là encore, les sources primaires manquent. Si des partenariats internationaux sont encouragés dans le cadre de la paix, rien n’indique que ce projet soit formellement intégré à un paquet diplomatique. L’amalgame entre développement énergétique et stratégie géopolitique soulève des questions sur les intentions réelles derrière certaines communications.

Ruzizi III, dans sa conception, est un levier de transformation. Il pourrait stabiliser les réseaux électriques, réduire la dépendance aux centrales thermiques et favoriser l’industrialisation. Mais pour que cette promesse se concrétise, il faudra plus que des mégawatts. Il faudra de la transparence sur les appels d’offres, des publications claires sur les liens diplomatiques, et un suivi indépendant des financements. Car l’électricité ne suffira pas à éclairer les zones d’ombre.
Dans un contexte où la méfiance s’installe, où les récits se construisent parfois plus vite que les infrastructures, le public a le droit d’exiger des réponses. Ruzizi III ne doit pas devenir un totem de propagande, mais un outil de développement réel. Et pour cela, il faudra conjuguer ambition, vérité, responsabilité et gouvernance. Sans quoi, la lumière promise risque de ne jamais atteindre les foyers qui en ont le plus besoin.
Par Thierry Bwongo









