La scène politique congolaise s’agite autour d’un fauteuil encore chaud : celui de la présidence de l’Assemblée nationale, laissé vacant par Vital Kamerhe. Mais avant même que les candidatures ne soient officiellement déposées, une figure s’est imposée dans l’arène — non sans controverse : Jean-Claude Tshilumbayi, premier vice-président du bureau, devenu président intérimaire.

Le professeur Isaac Jean-Claude Tshilumbayi, premier vice-président du bureau président intérimaire de l’Assemblée nationale de la RDC

Initialement discret, Tshilumbayi avait solennellement déclaré devant la plénière ne pas être candidat à la succession. Pourtant, quelques semaines plus tard, c’est sur les ondes de Top Congo FM qu’il annonce sa volonté de briguer le poste. Ce revirement spectaculaire, dénoncé par le Groupe de Réflexion des Sages de la Majorité Parlementaire (GRSMP), est perçu comme une manœuvre opportuniste visant à prolonger son intérim et asseoir son influence. Les Sages s’indignent : « Ce revirement à 390 degrés ne peut que susciter indignation et désarroi au sein de la grande famille de la majorité parlementaire. »

Mais plus grave encore, Tshilumbayi affirme que « l’élection du président du Bureau dépend du Chef de l’État », foulant ainsi aux pieds le principe de séparation des pouvoirs. Cette déclaration, en contradiction avec les propos du président Tshisekedi — qui avait affirmé que le départ de Kamerhe relevait des députés eux-mêmes — révèle une emprise présidentielle sur une procédure censée être parlementaire. Pour de nombreux observateurs, cette confusion des rôles fragilise l’indépendance institutionnelle et jette une ombre sur la légitimité du processus.

Le Bureau intérimaire de l’Assemblée nationale de la RDC

Dans ce climat tendu, la guerre des poursuivants s’intensifie. L’UNC, regroupement politique de Kamerhe, revendique le poste au nom des accords initiaux de l’Union sacrée. Jean Baudouin Mayo Mambeke, juriste chevronné et triple brassard, se présente comme le candidat naturel, soutenu par une large frange du parti. Dans un tweet, il rappelle que « le poste revient normalement au regroupement AA/UNC en tant que deuxième force politique de la majorité parlementaire ».

Mais l’unité de l’UNC vacille. Une autre frange soutient Aimé Boji Sangara, ministre de l’Industrie et ancien beau-frère de Kamerhe. Son profil inspire la continuité, mais suscite des critiques : trop longtemps au gouvernement, trop éloigné de son mentor, et trop associé à une logique familiale que certains veulent dépasser.

Le ministre de l’Industrie Aimé Boji Sangara

Face à cette cacophonie, l’UDPS, parti présidentiel, revendique désormais le perchoir, arguant de son poids parlementaire supérieur. Ce changement de cap, s’il se confirme, remettrait en cause les équilibres initiaux et les engagements de l’Union sacrée.

Et dans l’ombre, un outsider avance ses pions : Christophe Mboso Nkodia Pwanga. Ancien président du bureau, il se cache derrière le Groupe des Sages, qui dans un communiqué daté du 26 septembre, affirme que « celui qui était arrivé en deuxième position lors des élections du bureau doit reprendre le perchoir ». Une manière subtile de légitimer son retour, présenté comme garant de « sérénité, compétence et vision ».

Ainsi, la succession à la tête de l’Assemblée nationale se transforme en champ de bataille politique, où ambitions personnelles, contradictions institutionnelles et recompositions partisanes s’entrechoquent. Et dans cette guerre feutrée, Tshilumbayi, en voulant prolonger son règne, pourrait bien précipiter une crise de légitimité.

Par la rédaction

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