À peine les dépôts de candidatures ouverts, la chambre basse du Parlement congolais s’est embrasée dans une agitation inhabituelle. L’élection du prochain président de l’Assemblée nationale, successeur de Vital Kamerhe, cristallise les tensions internes, révélant des fractures profondes entre les forces politiques en présence. Au-delà des querelles entre le Bureau intérimaire et l’administration parlementaire, la grogne sociale des assistants parlementaires et le climat d’incertitude généralisée, c’est la recomposition des équilibres au sein de l’Union sacrée qui se joue en coulisses.


Le retour sur les bancs du Palais du peuple d’Aimé Boji Sangara, ancien ministre de l’Industrie, ne passe pas inaperçu. Sa posture, perçue comme celle d’un envoyé de l’exécutif, interroge sur la volonté du pouvoir de maintenir une emprise sur l’institution censée le contrôler. Boji incarne une forme d’unicité du commandement, qui semble défier le principe de séparation des pouvoirs cher à Montesquieu. Originaire du Sud-Kivu et membre de l’UNC, il coche les cases du profil de son prédécesseur. Pourtant, des voix s’élèvent pour affirmer qu’il serait davantage le candidat du chef de l’Union sacrée que celui de Vital Kamerhe, certains allant jusqu’à le qualifier de Tshisekediste de circonstance.


Face à cette candidature jugée stratégique mais controversée, celle de Baudouin Mayo Mambeke apparaît comme plus légitime aux yeux de nombreux députés. Le député de Kinshasa, vétéran du travail parlementaire, est un proche de Vital Kamerhe, avec qui il partage une longue histoire politique et personnelle. Sa candidature incarne la fidélité à l’UNC et une certaine continuité institutionnelle. Ce duel entre deux figures du même parti divise les élus, révélant une tension latente entre les lignes du parti et les injonctions de la plateforme présidentielle. Comme à son habitude, le chef de l’État ne devrait pas donner de consigne de vote officielle, laissant les tractations internes déterminer l’issue du scrutin.

Dans ce contexte de rivalité, la candidature du patriarche Mboso Nkodia s’inscrit comme une manœuvre opportuniste mais calculée. Ancien président de l’Assemblée nationale, Mboso connaît les rouages de l’institution et bénéficie d’une réputation de conciliateur. Son retour, après avoir été battu lors des primaires de l’Union sacrée, sonne comme une revanche politique. Pour certains, il incarne la stabilité ; pour d’autres, l’immobilisme. Sa réémergence soulève des interrogations sur la capacité de l’Union sacrée à renouveler ses élites et à faire place à une génération montante, souvent reléguée aux seconds rôles.


Dans ce marché politique complexe, le poste de rapporteur adjoint, également en jeu, pourrait servir de levier dans les négociations. Ce rôle, souvent sous-estimé, devient une monnaie d’échange entre partis, tendances et leaders, susceptible d’influencer les équilibres finaux. Les tractations autour de ce poste témoignent de la densité des enjeux et de la fluidité des alliances, dans un Parlement où chaque voix compte et chaque poste peut faire basculer une majorité.

Enfin, le secrétariat permanent de l’Union Sacrée de la nation, dirigé par le professeur Mbata, tente tant bien que mal de maintenir la cohésion au sein de la famille politique du chef de l’État. Sa démarche, parfois maladroite, de recentrer le débat sur les cercles politiques, illustre les limites d’une gestion institutionnelle prise dans les turbulences partisanes. Dans les jours à venir, l’issue de cette élection dira si l’Assemblée nationale reste un contre-pouvoir ou devient un prolongement docile de l’exécutif. Le bal est lancé, les masques tombent, et la démocratie congolaise observe.
Par Thierry Bwongo









