Depuis le jeudi 30 octobre 2025, une conférence sur la paix en RDC se tient à Paris à l’instigation du président français, Emmanuel Macron. Elle est co-présidée par lui-même et le président togolais, Faure Gnassingbé. Ce dernier est mandaté par l’Union africaine sur le conflit entre la RDC et le Rwanda.
Le but principal de cette conférence est de réunir des fonds pour venir en aide aux populations de l’est de la RDC, qui sont dans une détresse humanitaire aggravée par les combats entre l’armée congolaise et les rebelles de AFC/M23, appuyés par l’armée rwandaise.

Depuis l’occupation de Goma et Bukavu par ces supplétifs du Rwanda, la situation des populations s’est détériorée au point que le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, l’a qualifiée de l’une des crises humanitaires les plus graves au monde. Son message, adressé aux participants de la conférence, qui sont entre autres des dirigeants africains, des bailleurs de fonds internationaux et des responsables d’agences onusiennes, exprime à la fois la nécessité de redoubler d’efforts pour soulager de manière plus efficace les populations meurtries, et l’enjeu de parvenir à une paix et une stabilité durables dans l’est de la RDC. Les deux étant liés par ailleurs.

Sur le premier point, outre plusieurs centaines de millions de dollars d’aide déjà promis, l’hôte de la conférence, Emmanuel Macron, a annoncé que la réouverture de l’aéroport de Goma était une priorité afin d’assurer la rotation des aéronefs chargés de cargaisons d’aide et du personnel humanitaire. Cela semble être aussi le vœu du président congolais, Félix Tshisekedi, qui est présent à la conférence, alors que son homologue rwandais brille par son absence. Cependant, ce point est déjà contesté par le représentant du Rwanda, qui invoque curieusement le non consentement de l’AFC/M23, comme s’il en était le porte-parole. Et, quasi concomitamment, dans un tempore suspecto, le coordonnateur du mouvement rebelle a publié un communiqué hostile à cette réouverture.

De mon point de vue, on peut légitimement s’interroger sur la sincérité des parties rwandaise et AFC/M23, qui nous ont habitués à une duplicité permanente. La question qu’il faut se poser est : la réouverture de l’aéroport de Goma est-elle une mauvaise chose pour le Rwanda et l’AFC/M23, vu qu’ils contrôlent déjà la région ?
Le Rwanda n’a jamais respecté ses engagements diplomatiques, on peut imaginer qu’un prétexte soit trouvé plus tard pour remettre en question les acquis de la conférence de Paris et occuper de facto l’aéroport de Goma pour y loger des opérations aériennes au profit des rebelles. Il faudrait des garanties contraignantes pour que la plateforme aéroportuaire de Goma ne devienne plus tard un atout militaire pour ces agresseurs de la RDC.

D’autre part, la question de la gestion sécurisée de cette aide se pose également, car le groupe rebelle assure une administration parallèle sur plusieurs territoires occupés. Ainsi, la distribution de l’aide pourrait s’avérer un moyen de contrôle des populations qui y vivent ou des déplacés appâtés par cette manne généreuse, offrant au groupe rebelle l’occasion d’enrôler de force des jeunes.

Sur la question de la paix, il est évident que la France cherche à reprendre la main après les initiatives américaines et qataries, qui sont actuellement en cours, mais demeurent assez poussives. Les congolais vivent mal le choix diplomatique de la France dans la région des Grands Lacs, où elle priorise sa coopération avec le Rwanda au détriment des intérêts vitaux du plus grand pays francophone du monde. Cette politique est perçue dans l’opinion publique congolaise comme une trahison par un allié historique.

La France saura-t-elle avoir une attitude conséquente vis-à-vis du Rwanda et exiger de Kagame l’application des résolutions des Nations Unies sur le retrait de ses troupes et la fin du soutien aux rebelles de l’AFC/M23 ?

Tout indique qu’un tel espoir est illusoire. L’angle de la Conférence de Paris, centré sur l’aide humanitaire, suggère que le président Macron tente de se donner bonne conscience devant les rapports accablants que ses services lui fournissent au sujet des atrocités commises sur les populations congolaises, et devant le bilan horrifiant des victimes depuis 30 ans.

Il est à craindre qu’il n’essaie par cette initiative de gérer des intérêts contradictoires : caresser Tshisekedi tout en ménageant Kagame.
Mais, peut-on ménager la chèvre et le chou ?

Propos retranscrit par Thierry Bwongo

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