Le 15 novembre 2025, sous la médiation du Qatar, le gouvernement de la République démocratique du Congo et le mouvement armé M23/AFC ont signé à Doha un accord-cadre présenté comme une feuille de route vers la paix. Cet acte, salué par les garants internationaux – Union africaine, Nations unies, France et États-Unis – marque une étape décisive dans la recherche d’une solution politique à un conflit qui a meurtri l’Est du pays et fragilisé la cohésion nationale. Mais au-delà de l’élan diplomatique, l’accord révèle autant de forces que de fragilités.

Les concessions des parties
Du côté de Kinshasa, les engagements portent sur la cessation immédiate des hostilités, la libération de certains prisonniers liés au conflit, et l’ouverture de corridors humanitaires pour les populations déplacées. Le gouvernement accepte également de poursuivre des discussions techniques encadrées par le Qatar, notamment sur la réintégration des combattants et la sécurisation des zones affectées.

Le M23, quant à lui, concède un cessez-le-feu immédiat, le retrait progressif des territoires occupés, la libération de captifs, et l’acceptation d’un mécanisme conjoint de surveillance internationale. Le mouvement s’engage aussi à garantir le retour sécurisé des réfugiés et à mettre fin aux discours de haine qui alimentent la division.

Les mécanismes de réalisation
L’accord prévoit la mise en place d’un mécanisme conjoint de suivi, composé de représentants du gouvernement, du M23 et des garants internationaux. Ce dispositif doit vérifier le respect du cessez-le-feu, superviser les retraits et garantir l’accès humanitaire. Des rapports réguliers seront transmis aux médiateurs pour assurer la transparence et la crédibilité du processus.

Sur le plan humanitaire, l’accord ouvre la voie à la réouverture de l’aéroport de Goma pour les vols humanitaires, conformément à l’annonce faite par le président Emmanuel Macron lors du sommet de Paris sur la RDC. Cette mesure symbolique, si elle est mise en œuvre, constituerait un signal fort de solidarité internationale et de soulagement pour les populations de l’Est.

L’accord de Doha présente des atouts indéniables. Il consacre d’abord la reconnaissance mutuelle, par les deux parties, de la nécessité d’un processus politique plutôt que militaire, ce qui constitue une rupture avec la logique de confrontation qui a dominé jusque-là. Il introduit ensuite un mécanisme international de vérification, garantissant une surveillance externe et impartiale, capable de renforcer la confiance et de donner une crédibilité nouvelle aux engagements pris. Sur le plan humanitaire, il ouvre la perspective de corridors sécurisés et de la réouverture de l’aéroport de Goma aux vols humanitaires, offrant ainsi un espoir concret aux populations déplacées et fragilisées. Enfin, le soutien affirmé des partenaires internationaux confère à l’accord une dimension institutionnelle et diplomatique qui dépasse le cadre bilatéral et inscrit la crise congolaise dans une dynamique mondiale de solidarité.

Cependant, ces avancées se heurtent à des fragilités notables. L’accord reste silencieux sur l’amnistie ou le traitement juridique des crimes graves, ce qui pourrait entraver la réconciliation et laisser planer des incertitudes sur la justice transitionnelle. Le M23 n’est pas reconnu comme acteur politique, mais demeure qualifié de groupe armé, ce qui limite son intégration institutionnelle et risque de prolonger les ambiguïtés de son statut. La réussite du processus dépend entièrement de la sincérité des parties et de la capacité des garants à imposer le respect des engagements, une exigence qui demeure incertaine dans un contexte marqué par la méfiance. Enfin, les réalités du terrain – rivalités locales, enjeux économiques et tensions communautaires – pourraient fragiliser la mise en œuvre et transformer les promesses de Doha en un texte sans effet si elles ne sont pas maîtrisées.

Le Cadre de Doha n’est pas une fin en soi mais une étape. Les prochaines semaines seront décisives : elles devront confirmer le respect du cessez-le-feu, le retrait effectif des zones occupées et la mise en place des corridors humanitaires. Les garants internationaux devront maintenir une pression constante pour éviter que l’accord ne reste lettre morte.

Dans le contexte actuel, où les initiatives internationales se multiplient pour soutenir la paix en RDC, cet accord s’inscrit dans une dynamique plus large : celle de replacer la crise congolaise au cœur des préoccupations mondiales et de donner aux populations de l’Est un horizon de sécurité et de dignité.

Par Thierry Bwongo

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