Dans le tumulte des débats sur la souveraineté minière, une vérité souvent oubliée refait surface : la majorité des gisements du Congo n’ont pas été découverts par l’État, mais par des multinationales. C’est là que s’installe la confusion, les abus, et surtout la répétition d’un schéma colonial vieux de plus d’un siècle.

L’exploration minière, un pari presque impossible

Trouver un gisement rentable relève du miracle. Les chiffres sont implacables : une exploration sur cent seulement débouche sur une mine exploitable.
Cela signifie que les multinationales engloutissent des milliards dans des recherches souvent stériles, que des dizaines de projets meurent avant même de naître, mais que celui qui découvre le bon filon décroche un jackpot mondial.

Privé de géologues formés, de laboratoires et de budgets conséquents, l’État congolais laisse aux entreprises étrangères le soin de chercher ses richesses. La dépendance commence ici, dès l’instant où la découverte échappe à la souveraineté nationale.

Des contrats de longue durée, une dépendance institutionnalisée

Avant même qu’un trou ne soit creusé, des contrats d’exploitation sont signés pour vingt, trente, parfois cinquante ans. En échange, l’État reçoit une redevance minière dérisoire et, trop souvent, des pots-de-vin au sommet de l’appareil politique.

Ainsi, lorsqu’une multinationale découvre un gisement colossal, elle le considère comme sa propriété légitime : elle a financé le risque, elle a signé un contrat, elle a acheté une stabilité politique temporaire. Mais cette logique transforme la richesse nationale en concession privée.

Les régimes passent, les contrats vacillent

Chaque changement de président rouvre la boîte de Pandore. Les nouveaux pouvoirs accusent leurs prédécesseurs d’avoir bradé le pays, les contrats sont renégociés ou annulés, et les entreprises voient leurs droits menacés.

Au Congo, cette instabilité a engendré un phénomène dangereux : certaines multinationales financent des groupes armés pour protéger leurs concessions ou pour peser sur le jeu politique. Quand l’État ne garantit pas la propriété, la force devient le plan B.

La malédiction des ressources, encore et toujours

Depuis l’époque coloniale, le Congo reste prisonnier d’un cycle infernal :

  • dépendance aux étrangers pour découvrir ses richesses,
  • contrats écrits pour l’investisseur, non pour le peuple,
  • minerais transformés en sources de conflits plutôt qu’en leviers de développement.

Ce n’est pas une fatalité, mais un déficit de savoir-faire et de volonté politique.

La solution : reprendre la maîtrise de l’exploration

Sortir de ce cycle exige une révolution silencieuse :

  • former des géologues, géophysiciens et ingénieurs miniers congolais,
  • financer au moins une partie des explorations nationales,
  • créer un service géologique d’État moderne, indépendant et transparent.

Car celui qui cherche les minerais contrôle la filière. Celui qui les trouve contrôle la richesse. Celui qui se contente de signer des contrats reste dépendant… pour toujours.

Les multinationales pensent que les minerais du Congo leur appartiennent parce qu’elles en assument le risque, le financement et la découverte. Mais ce modèle enferme le pays dans un système colonial déguisé.

Dans le droit international, la règle est simple : celui qui apporte le plus de capital dans une entreprise en détient la prévalence dans la propriété et la gestion. C’est pourquoi, dans les sociétés minières du Katanga, l’État reste minoritaire.

Quant aux politiciens, ils pêchent souvent dans la diabolisation des uns et des autres, oubliant que la véritable bataille n’est pas contre les entreprises, mais contre la dépendance structurelle. Le Congo doit reprendre la maîtrise de son exploration minière, faute de quoi sa richesse continuera d’être une source de conflits et de domination.

Par Thierry Bwongo

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