Depuis une dizaine de jours, le président Paul Kagame, figure omniprésente du paysage politique rwandais, n’a plus été vu en public. Un silence pesant s’est installé à Kigali, ponctué de disparitions inquiétantes, d’arrestations politiques et, de manière surprenante, de l’annonce de cinq jours fériés consécutifs, sans la moindre justification officielle.
C’est Jean-Luc Habyarimana, opposant en exil et fils de l’ex-président Juvénal Habyarimana, qui a ravivé l’interrogation publique par une série de publications sur le réseau X (anciennement Twitter). « Kigali sous cloche ? », s’interroge-t-il, évoquant une « opacité extrême » autour du régime. L’écho de ses questions résonne bien au-delà des cercles d’opposition : Où est Paul Kagame ? Qui dirige vraiment le Rwanda ?
Une absence qui interroge
La dernière disparition prolongée du président avait laissé place à une réapparition marquée par une large cicatrice au crâne, alimentant les rumeurs sur son état de santé. Cette fois encore, aucune explication officielle ne vient rassurer l’opinion. Kagame, connu pour sa gouvernance hyper-centralisée, concentre l’essentiel du pouvoir exécutif. Son absence prolongée pose donc un problème fondamental : sans lui, l’appareil d’État semble paralysé, révélant l’absence de réels contre-pouvoirs.

Une arrestation symbolique
Parallèlement à cette disparition, l’arrestation de Victoire Ingabire Umuhoza, figure historique de l’opposition rwandaise, jette une lumière crue sur la situation politique. La Cour suprême de Kigali a lancé une enquête contre elle, accusée d’ »atteinte à la sécurité de l’État ». Le motif ? Son parti aurait organisé des séances de lecture d’un manuel de désobéissance civile non violente, Blueprint for Revolution. Pour beaucoup, cette réaction illustre la crispation du régime face à toute forme de pensée critique, même pacifique.
Des jours fériés… ou un couvre-feu déguisé ?
Comme pour accentuer le mystère, le gouvernement a brusquement décrété cinq jours fériés consécutifs, sans aucun fondement légal communiqué. Dans un État de droit, une telle décision devrait être planifiée, débattue, justifiée. Ici, l’absence de transparence alimente les spéculations : s’agit-il d’un confinement déguisé ? De manœuvres sécuritaires non assumées ? Ou d’une tentative de masquer une crise au sommet de l’État ?

Gouvernance verrouillée
Les publications de Jean-Luc Habyarimana révèlent une critique plus profonde : selon lui, le pouvoir est captif d’un cercle restreint au sein du Front patriotique rwandais (FPR), sans obligation de rendre compte ni au Parlement, ni au peuple. Le Premier ministre et les institutions paraissent réduits à un rôle décoratif, dans ce qui s’apparente de plus en plus à une monarchie sans nom.
La situation actuelle place le Rwanda à un carrefour. L’exigence de transparence n’est plus simplement une question de principe démocratique : elle devient une condition de stabilité institutionnelle. Car un pays dirigé par l’ombre d’un homme invisible risque de sombrer dans l’incertitude, la suspicion, voire la contestation.
Par la rédaction









