La République Démocratique du Congo traverse une nouvelle flambée de choléra, une épidémie dont les racines écologiques et structurelles révèlent bien plus qu’une simple crise sanitaire. Selon le docteur Jean-Jacques Mbungani Mbanda, la RDC constitue un terreau propice aux maladies hydriques du fait de son climat, de ses infrastructures insuffisantes et de la proximité permanente avec les cours d’eau. C’est cette combinaison de facteurs qui a facilité la propagation du choléra depuis des provinces déjà éprouvées par des épisodes précédents — Maniema, Tshopo, Tanganyika, le Grand Kasaï, Nord et Sud-Kivu — jusqu’à atteindre Kinshasa, la capitale, par voie fluviale, et finalement le Kongo Central.

Le choléra, maladie bactérienne transmise principalement par contact avec des excréments infectés ou par la consommation d’eau contaminée, s’accompagne de symptômes violents : diarrhées aiguës, vomissements, et déshydratation sévère. Si la prise en charge médicale actuelle permet de limiter les pertes, avec près de 80 % des cas considérés comme non mortels et un taux de létalité général situé entre 2 et 4 %, le docteur Mbungani insiste sur l’urgence d’une approche plus coordonnée et multisectorielle. Il reconnaît que la sonnette d’alarme a été tirée tard, mais souligne l’efficacité des traitements administrés, notamment les antibiotiques et les solutions de réhydratation distribués par le ministère de la Santé.
Pour renforcer cette riposte, le docteur préconise la création de points de réhydratation dans les foyers épidémiologiques, l’installation d’une cellule d’experts, ainsi qu’un comité de gestion des épidémies rassemblant plusieurs ministères. Selon lui, la lutte contre le choléra ne peut se limiter aux seuls acteurs médicaux. Le ministère de la Santé doit collaborer avec celui de l’Environnement pour l’assainissement des ressources hydrauliques, avec celui du Développement rural pour les zones enclavées, et avec celui de la Communication pour une sensibilisation massive.

Alors que la saison des pluies approche, avec son cortège de ruissellements et d’inondations, le docteur Mbungani appelle la population à redoubler de vigilance. Il insiste sur l’importance de l’hygiène familiale, surtout en période de vacances où les enfants sont plus exposés : l’entretien des toilettes, la rigueur dans le traitement de l’eau à boire, et la prudence dans les contacts physiques doivent devenir des réflexes quotidiens. Il ajoute que la vaccination orale est une piste pertinente pour réduire la vulnérabilité collective, bien que son déploiement reste encore limité.

Enfin, face aux rumeurs persistantes selon lesquelles chaque ministre de la Santé déclencherait une épidémie pour en tirer profit, Mbungani balaye ces accusations en les qualifiant de folklore. Il rappelle que la déclaration d’une épidémie est encadrée par des mécanismes rigoureux de vérification internationale, notamment par le CDC Afrique. Dans un monde où les frontières s’effacent et où les maladies se mondialisent à une vitesse inédite, comme l’a démontré la COVID-19, il est tout simplement impossible pour un acteur isolé d’orchestrer seul une telle crise.

À travers cette prise de parole, le docteur Mbungani ne se contente pas d’alerter, il invite à une réforme en profondeur des pratiques, des mentalités et des collaborations autour de la santé publique. Le choléra, plus qu’une maladie, devient ici le révélateur des fragilités systémiques et des urgences collectives.
Par Thierry Bwongo









