Alors que la République démocratique du Congo (RDC) fait face à une guerre hybride dans l’Est du pays, mêlant affrontements armés et batailles informationnelles, une récente sortie médiatique du porte-parole des Forces armées (FARDC), le général-major Sylvain Ekenge, a ravivé les tensions et mis en lumière les failles de la stratégie de communication gouvernementale.

Le 28 décembre, lors d’une intervention sur la chaîne nationale RTNC, le général Ekenge a tenu des propos controversés en pointant du doigt les femmes tutsies, les accusant de participer à un « stratagème de suprématie » par la natalité. Ces déclarations, largement relayées sur les réseaux sociaux, ont suscité une vague d’indignation tant au niveau national qu’international.

Face à la gravité de la situation, le chef d’état-major général des FARDC a rapidement suspendu le porte-parole, une décision saluée par plusieurs observateurs comme un acte de responsabilité. Mais le mal était fait: cette sortie a offert un levier de communication précieux aux adversaires de la RDC, notamment le Rwanda et le M23, qui y voient une preuve de stigmatisation ethnique au sein de l’appareil d’État congolais.

Le général Ekenge a tenu des propos controversés en pointant du doigt les femmes tutsies, les accusant de participer à un « stratagème de suprématie » par la natalité.

Dans un contexte où la guerre ne se limite plus aux champs de bataille, la maîtrise de l’information est devenue un enjeu stratégique. La guerre de l’Est se mène aussi sur les réseaux sociaux, dans les médias internationaux, et dans les discours politiques. La RDC, confrontée à une coalition militaro-médiatique bien rodée du côté du M23 et de ses soutiens, doit impérativement structurer sa riposte informationnelle.

Cela implique une communication militaire disciplinée, centralisée, et alignée sur les objectifs politiques et diplomatiques du pays. Or, l’incident Ekenge révèle une faille: l’absence d’un cadre rigoureux de validation des messages sensibles, et une formation insuffisante des porte-parole aux enjeux de l’influence stratégique.

Au-delà de l’armée, c’est l’ensemble de l’appareil communicationnel de l’État qui est interpellé. Le ministère de la Communication et des Médias, garant de la cohérence du message gouvernemental, doit jouer un rôle de chef d’orchestre. Cela implique:

  • La mise en place d’un centre de coordination de la communication de crise, associant les FARDC, les ministères concernés et les partenaires internationaux.
  • L’élaboration d’une doctrine de communication de guerre, fondée sur la transparence stratégique, la lutte contre la désinformation et la promotion d’un narratif national inclusif.
  • La formation des porte-parole et des journalistes à la couverture responsable des conflits, pour éviter les dérives verbales et les discours inflammatoires.
Le Directeur des Informations TV a.i. de la RTNC Oscar Mbal Kahij, est suspendu préventivement de ses fonctions « pour avoir laissé libre cours à des propos stigmatisant la communauté tutsi, tenus par le porte-parole des FARDC, le Général Sylvain Ekenge Efomi »  [ Direction Générale ]

Dans cette guerre où chaque mot peut devenir une arme, la RDC ne peut se permettre de perdre la bataille de l’image. La crédibilité de ses institutions, la cohésion nationale et le soutien international en dépendent. L’erreur du général Ekenge doit servir d’électrochoc: il est temps de professionnaliser la communication publique, de la militariser stratégiquement sans la politiser, et de faire de la parole officielle un outil de souveraineté, et non de division.

Par Thierry Bwongo

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